Recette de la Poitrine Séchée

Après deux mois et demi de confinement dus au Covid-19 (je précise car l’article sera peut-être encore en ligne dans 20 ans), je retrouve enfin la motivation pour vous parler d’un produit qui a été particulièrement utile à mon organisme pour ne pas tomber dans la dépression la plus totale: la Poitrine Séchée ou Ventrèche. D’ailleurs, je ne me suis pas trompé car j’ai cru entendre qu’un éminent salaisonnier Marseillais proclamait haut et fort que de la poitrine de porc associée à du saucisson sec durant les premiers jours de la maladie permettait de guérir à coup sûr et qu’il n’y avait pas besoin de faire d’études la-dessus pour le comprendre aisément.

Cette histoire a fait grand bruit, au point qu’une étude aurait finalement été commanditée: l’essai « discovery » ou « traversdeporc », je ne sais plus exactement. Bref, tous les patients voulaient être dans le groupe « poitrine + saucisson », du coup il fut difficile de recruter des cobayes et l’étude a pris du retard…

Comme prouver l’évidence n’a que souvent peu d’intérêt, je vais directement vous proposer ma recette de poitrine séchée pour que vous puissiez vous auto-médiquez toute l’année. Il ne faut jamais lésiner sur la prévention.

Avec la Coppa, j’étais parti sur deux méthodes: salage sous-vide et enfouissement. Je réitère de nouveau pour l’expérience.

Ingrédient principal:

  • Poitrine de porc désossée (ici environ 4 kg)

Ingrédients du mélange salant:

  • Du gros sel: 30 à 50g/kilo. Ici 35g/kilo.
  • Du sucre: de 0 à 50% du poids en sel. Moi 10%.
  • Du vin blanc: 5g/kilo
  • Du poivre: 2g/kilo en général
  • D’autres épices: 1g/kilo en moyenne. Je n’ai mis que du poivre.
  • De la ferveur

Si vous utilisez du gros sel de Guérande, humide, il faut savoir qu’il y a un delta d’environ 10% avec le sel sec. Par exemple, on peut considérer que 35g de Guérande saleront comme 32g de sel sec. Ça peut avoir son importance avec le saucisson lorsque l’on navigue aux environs de la dose minimal de sel recommandée.

Préparation:

1) J’ai demandé à mon boucher de me préparer deux poitrines de porc désossées de même taille et poids. Une sera destinée à être salée sous-vide et l’autre sera salée par « enfouissement ». Dans les deux cas, la couenne a été laissée pour rester dans le traditionnel: il paraît que ça à aussi une importance dans le gout final et la couenne, à la dégustation, ne pose pas plus de problème que ça pour la retirer. Les cartilages ont également été laissés pour ne pas créer de « trous » dans la viande: le but étant d’obtenir un produit délicieux et esthétique.

2) J’ai frotté les deux pièces avec le mélange salant. L’idée c’est que même sur la poitrine par enfouissement, il y ait des épices en première ligne, c’est à dire mis directement sur la viande.

3) J’ai mis sous-vide une des deux en prenant bien soin de mettre l’intégralité du mélange salant dans le sac.

4) Dans un plat adapté, j’ai recouvert entièrement l’autre de gros sel. Par fainéantise, je ne l’ai pas mis dans un bac percé pour que la saumure s’évacue. Peut-être que j’aurais du même si la durée de salage n’était pas très élevée…? Dans les deux cas, le salage s’effectue au réfrigérateur.

5) Pour calculer le temps de salage, je me suis servi de la règle de base du sous-vide soit 1 jour par épaisseur en cm divisé par deux si la pièce est uniforme. Comme ce n’est pas le cas ici car il y a la couenne et la couche de gras qui empêchent la pénétration du sel, l’épaisseur totale sera prise en compte, soit 6 cm donc 6 jours. Le taux de sel étant fixé par avance, il n’y aura pas de sursalage si vous laissez plus longtemps.

6) Pour la pièce salée par enfouissement, je me suis servi de ma réflexion sur le temps de salage des viandes que je vous invite à lire. Elle n’est vraisemblablement par parfaite mais à au moins le mérite d’essayer d’y voir plus clair. Du coup, en partant du principe qu’au sel sec, sur une viande parfaitement maigre, la vitesse de pénétration du sel serait de 3cm par jour, nous aurions pour une épaisseur de 6cm deux jours. Mais ici, s’agissant de poitrine de porc, donc d’une viande particulièrement grasse, un jour supplémentaire, soit 3 jours m’a paru judicieux.

7) Une fois le salage réalisé, les pièces sont sorties du sel et essuyées pour ensuite être entreposées sur une grille au frigo (environ 2°C idéalement) pour ce qu’on appelle le repos. Il permet au sel de se répartir de manière homogène. C’est une sécurité car si jamais des parties de la viande n’étaient pas correctement salées, cela pourrait poser des problèmes à température de séchoir. Le temps de repos est au minimum équivalent au temps de salage. Dans les deux cas, j’ai pris une semaine de temps.

8) J’ai accroché avec des crochets les poitrines par la couenne et direction le séchoir pour une T° idéalement comprise entre 10 et 15°C et une hygrométrie entre 60 et 80% d’HR.

9) Après un mois et demi de séchage, elles avaient perdu 40% de leur poids d’origine. C’est le bon chiffre pour commencer une véritable dégustation. A noter que c’est à partir de 30% de perte que la consommation peut démarrer. Malgré tout, pour profiter pleinement des saveurs, 40% à 50% me paraissent être beaucoup plus intéressant gustativement parlant. Si le séchage continue plus longtemps, la poitrine deviendra de plus en plus dur et paraîtra de plus en plus salée (l’eau fixant le sel).

En petits lardons ! Encore meilleur…

10) Pour ce genre de produit, la trancheuse s’impose pour débiter de magnifiques tranches qui en ferait apostasier plus d’un. Comment de si petites choses peuvent créer autant d’envie, de gourmandise, de plaisir ? Je me pose tous les jours la question…Le gras peut-être 😉

11) Autant avec la Coppa, je m’étais trompé sur la durée du salage par enfouissement, autant ici j’ai vu juste car la sensation salée était quasiment identique à la méthode sous-vide. En chipotant, ou chipolatant je ne sais plus, j’aurais pu descendre à 2.5 jours.

12) En toute objectivité, la poitrine de porc séchée n’atteint pas et n’atteindra vraisemblablement jamais la finesse d’un saucisson sec réalisé dans les règles de l’art ou du lard mais sa teneur en gras nous offre néanmoins un mets des plus savoureux. Je pense que pour ce genre de produit, choisir de la viande issue d’une race rustique, plein air et particulièrement grasse doit avoir un avantage certain. Avec un salage/séchage tout simple, le goût de la viande a vraiment une importance capitale car il n’y a pas réellement d’autres artifices, à moins d’opter pour un fumage à froid post salage.

Allez hop, sous vide, pour faire des réserves stratégiques !
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Anne Heaunyme
Anne Heaunyme
3 années il y a

Vous êtes un artiste ! Ne vous arrêtez pas, vous me faites découvrir de nouvelles manière de baver devant mon écran à chaque article !

Leblogsauss
Leblogsauss
3 années il y a
Répondre à  Anne Heaunyme

Merci 😉

Mat B
Mat B
3 années il y a

Bonjour,
J’ai pour ma part réalisé une poitrine séchée de la manière suivante
– Salage par enfouissement durant 24h (je suis d’ailleurs surpris par vos durées)
– Rinçage à l’eau puis avec un petit verre de génépi (pour la poitrine, pas le cuistot)
– Je frotte à l’ail et au poivre
– Direction le fumoir : sciure classique, 4 périodes de fumage de 12h espacées chacune de 12h de repos. Il faisait très froid dehors (pas loin du gel la nuit, pas plus que 8° la journée)
-2 mois de séchage dans une cave (T° : 8-12°, H : 65/80%)

Un seul essai l’année dernière, un très grand succès. J’attends que les températures redescendent pour me relancer.

Romain G
Romain G
3 années il y a

Bonjour,

Petite question au sujet de la conservation sous vide…
Une fois sous vide après séchage, combien de temps est-il possible de garder la ventrèche ?

Merci d’avance.

berg
berg
3 années il y a

bonjour, après vous avoir lu pour la coppa je ne fais que du salage sous vide avec succès après avoir pratiqué les aléas du salage traditionnel.
@Romain j’ai de la poitrine sous vide depuis 12 mois qui est toujours impeccable.

Le bon gibier
Le bon gibier
3 années il y a

Bonsoir, vous préconisez 40% à 50% de perte pour une consommation en cuisine (lardons, lard ) ou en consommation crue en la découpant finement comme un jambon ?

Leblogsauss
Leblogsauss
3 années il y a
Répondre à  Le bon gibier

@Sofiane Bonjour, 40% de perte, c’est de la viande séchée, de la charcuterie crue que vous pouvez couper en tranches ou en lardons. Mais ce n’est pas à cuire car sinon, ça sera beaucoup trop salé.

Le bon gibier
Le bon gibier
3 années il y a

Merci bcp chef! vous avez sauvé ma ventrèche lol

aussel
aussel
2 années il y a

Bonsoir et merci pour ces bonnes recettes charcutieres ,je fais depuis environ une dizaine d’annees de la charcuterie ,poitrines fumees ,saucissons , bacon, coppa et il est pas trés évident de saler juste .Ayant dans mon jeune age pratiqué l’ apprentissage de la charcuterie mais a une époque ou on était regardant ni sur l h ygiene ni sur les produits aujour d hui classes cacérigenes .Donc je me suis lancé avec des resultats acceptables.Il est vrai qu’avant la charcuterie ètait très salèe mais il ne venait pas a l’idée de manger un bout de jambon sec sans un morceau de pain et de beurre(et un coup de rouge je suis Bordelais)Je viens a l instant de mettre au frigo une echine de porc de un kilo et demi sur vos conseils de salage sous vide , qui semble la mèthode la meilleure et la moins risquée .bonne soirée a vous .

Labec 74
Labec 74
2 années il y a

Bonjour,
Merci pour ces descriptions.
Je faisais du lard avec mon père mais celui est parti ,son savoir faire aussi .
Alors j’apprécie beaucoup votre tuto .

Didier Heylemans
Didier Heylemans
2 années il y a

Premier essai de salage sous vide suivant la méthode proposée.
Ensuite fumage à froid.
La suite bientôt

Christian Lafreniere
Christian Lafreniere
2 années il y a

Merci pour cette recette ; le vin blanc on fait quoi avec? 5g/kg

Christian Lafreniere
Christian Lafreniere
2 années il y a

Merci beaucoup pour m’avoir répondu si rapidement c’est vraiment apprécié

Régis Moiraud
2 années il y a

Magnifique littérature mêlant humour, savoir-faire et expérience. Je viens de me lancer dans ma première poitrine séchée, mais qui passera par la case fumaison. Et je voulais savoir jusqu’au laisser sécher.
donc j’en congèlerais une partie en lardons pour la cuisine, et l’autre séchera un peu plus pour l’apéro …

En aparté, étant auvergnat, il n’est pas question de recouvrement … Quel gâchis ! Ni de plastique qu’il faudra jeter. Ma technique est donc celle du sous vide sans vide et ans plastique, dans un plat, et ça marche fort bien dans mes essais filet mignon, poisson … et j’imagine poitrine aussi.

Bravo et merci pour cette mine d’informations savoureuses.

Benoît Duchesneau
Benoît Duchesneau
2 années il y a

Bonjour, je suis du Québec et j’ai l’intention de faire du bacon fumé à partir d’un flanc de porc. je me demandais si je peux procéder sous vide comme vous le faites, duré vs épaisseur, pour le salage pour ensuite poursuivre avec un rinçage, séchage au frigo 24 hrs pour terminer avec fumage à froid. Merci à l’avance

JM
JM
2 années il y a

Bonjour,
Je fais depuis plus de trente ans de la poitrine salée et roulée de la maniere la plus classique possible
Une poitine fraiche (5,6kg)desossée.Je frotte bien l’interieur au sel fin,en insistant bien pour qu’il penetre,puis au poivre de la meme facon,un peu de 5 epices,un peu d’eau de vie pour finir de bien faire penetrer,et le la roule tres serree avec une ficelle solide.
Je sale poivre et frotte bien les 2 cotes ronds avec l’eau de vie,puis je la suspend au charnier bien vebtilé,ou je l’oublie pendant 4 ou 5 mois.
C’est le seule poitrine (le gras blanc) qu’aime ma petite fille,qui deteste ce qui est lard!!!
Je la coupe en fine tranche avec d’autres charcuteries maison:saucisses paté,jambon

Chamoux
Chamoux
1 année il y a

De très bon conseils sur cette charcuterie (poitrine). Que je me suis empressé de mettre en œuvre, ce sera pour la rouler. Je pense qu’il n’y a pas de problème. Avec mes remerciements. Cdt

Michel Guet
Michel Guet
1 année il y a

Votre blog est formidable ! Vs avez un talent d’écrivain plus de l’humour, parfait !
Je me lance dans le salage/séchage poitrine porc, mais deux remarques :
a) vs ne dites pas un mot de la différence bio/conventionnel
b) que faire de rigolo avec la couenne ? pour l’instant, coupée en petits dès, je la passe dans mes soupes de légumes (en disant à ma femme que c’est du cœur d’artichaut thaïlandais)

Galazzo
Galazzo
1 année il y a

Je fabrique des poitrines depuis plus de 30 ans et je ne pratique pas de la même sorte je vous explique mon fonctionnement je désosse ma poitrine je la recouvre de sel en frottant entre les côtes pour que le Galazzo puisse bien pénétrer deux jours après je la refrote à nouveau pour faire pénétrer le sel aux endroits où le sel n’est pas passé au bout de deux jours supplémentaire je les retire du sel je les rince et je le mets à tremper pendant 2h ensuite je l’ai poivre et je leur mets des herbes de Provence ou du thème mondé et je les ficelles comme il faut après je les suspends sur un chariot sans qu’elle se touche les unes aux autres un bon mois et demi de séchage vous pouvez commencer à la manger si la vous la trouvez pas assez sèche à votre goût vous pouvez la laisser sécher une quinzaine de jours supplémentaires pour la cuisine vous pouvez vous en servir de suite et ne rien rajouter

Caroline
Caroline
1 année il y a

Bonjour ! Quel super blog! Je suis une toute petite débutante et du coup je me posais la question de la différence entre la ventreche (poitrine séchée) et la poitrine fumée ? Une est séchée / une simplement fumée ?
Quelles sont les finalités de ces produits ? Poitrine fumée en lardons fumés ? Mais la ventreche ?
Et si on roule la poitrine pour la sècher est ce que cela donne de la pancetta ?
Merci beaucoup à vous !