Recette du Chorizo

Du bon chorizo !

J’aime pas le chorizo ! C’est mou, orange, plein de mauvais gras et ça arrache la gueule ! Je pense que les fabricants, industriels j’entends, ne sont pas hispanophiles pour un sou et veulent se venger en massacrant ce produit typique espagnol.

Dans ma jeunesse, où les soirées rimaient généralement avec mauvais alcools et mauvaise bouffe, il y avait toujours une assiette en plastique remplie de tranches épaisses de chorizo qui trainait entre les saladiers de chips. Ce n’était que vers les coups de 3 ou 4h du matin, lorsque la certitude de ne pas « choper » était actée, qu’on se résignait, la faim aidant, à accompagner de ce mets peu ragoûtant la dernière bouteille de la soirée: un gin premier prix…

20 ans plus tard, je regarde toujours avec effroi les chorizos sur les étals de supermarché. Mais 20 ans plus tard, je commence à savoir faire du saucisson et je ne pouvais que vérifier par mes propres moyens si une réconciliation était possible.

Je vous présente donc ma recette de chorizo, avec l’espoir que vous aussi, le redécouvriez. Je me suis servi de ma littérature pour élaborer ce qui j’espère s’approche le plus de l’original, s’il en est un…

Ingrédients:

  • 80-85% de maigre de porc (jambon de préférence)
  • 15-20% de gras de bardière
  • Sucre: 2g/kg de dextrose et 4g/kg de saccharose
  • Sel: 30g/kilo
  • Poivre Blanc: 1g/kilo
  • Piment doux: 20g/kg
  • Piment fort: 2g/kilo
  • Paprika: 4g/kilo (important pour la coloration finale)
  • Ail: 1g/kilo
  • Vin rouge: 40g/kilo
  • Boyaux: Ø 40mm environ (menu porc)
  • De l’évasion: une grosse louche.

Préparation:

A) Pour le parage, on est toujours content d’avoir du jambon et pas de l’épaule. Essayez les deux et vous comprendrez !

B) On prédécoupe le gras pour le hachoir. On se permet d’être difficile en enlevant la rase couenne et en ne gardant que les plus beaux morceaux.

C) J’ai haché le maigre à la grille 12 et le gras à la grille 6, en ayant l’idée d’avoir les morceaux de gras les plus discrets possibles. Malheureusement, c’est à ce moment-là que le drame eut lieu: j’ai laissé mon beau-père, aide d’un jour, monter la grille et le couteau du hachoir. Ce n’est qu’après, que j’ai compris pourquoi le hachoir avait eu particulièrement du mal à faire son travail rapidemment sur le gras. Nous verrons, lors de la présentation du résultat, pourquoi ce détail, apparemment anodin eut son importance…

D) Hop ! Tous les ingrédients dans le cul de poule et on mélange, on mélange encore et on remélange. Il faut pouvoir former une boule compacte et ensuite la laisser reposer au moins une nuit dans le frigo.

E) Lorsque le lendemain j’ai inséré la pâte dans le poussoir, j’ai remarqué que la mêlée n’était pas aussi compacte qu’à l’accoutumée. Un petit détail là aussi peu encourageant mais l’heure n’était pas aux interrogations mais à l’action.

F) Au blog saucisson, l’étuvage, au même titre que le salpêtre, n’est qu’un lointain souvenir. Pourquoi s’embêter avec lorsque l’on peut s’en passer ? Vous verrez, là aussi, qu’au vu du résultat ça peut se discuter…

G) J’ai laissé sécher quelques jours dans le séchoir (T°: 10-14°C pour Hr: ~80%) avant de faire une première passe au fumoir (~10h) et 48 heures après une seconde pour 2 chorizos. J’ai aussi laissé un exemplaire sans fumage pour la comparaison: n’oublions pas que chaque tentative tient lieu d’expérience dans la connaissance du produit.

Même avec le fumage, la fleur finit toujours par arriver !

H) Deux mois après vint le temps de la dégustation:

De gauche à droite: 2 passes, 1 passe et sans fumage.

I) Extérieurement, ils sont vraiment attirants. Ils sont racés, agréables à l’oeil, fermes au toucher et ennivrant au groin. Le fait d’avoir fini par fleurir au bout d’un mois et demi leur ont donné une pâte terroir, rustique très sympathique et je peux dire, sans prétention, qu’ils sont proches de l’idée que je me fais d’un véritable chorizo.

J) Mais, mais, mais… Une petite déception est apparue lors de la découpe: la cohésion des tranches n’est pas parfaite et me rappelle un petit peu mes premiers essais. Il y a de fortes chances pour que le (mauvais) hachage du gras sur cette mêlée soit en cause et qu’un petit farcissage se soit produit. C’est l’hypothèse la plus probable car je n’ai pas eu le problème sur les autres productions du jour.

Pour rappel, la cohésion dépend:

  • Du taux de sel: moins il y en a et plus la cohésion est difficile à obtenir.
  • Du malaxage: c’est le moment où certaines protéines de la viande (avec l’action du sel) vont se répartir pour former du liant. Attention, si lors du mélange la température est trop élevée, il y a un risque de farcissage et au contraire si la température est trop froide, la solubilisation des protéines ne se fera pas. Une température de mêlée aux alentours de zéro paraît idéale.
  • Du repos: avant l’embossage ou même après, le tout à basse température. Pareil, l’idée est d’obtenir une homogénéisation du sel et par là même favoriser son action sur les protéines de la viande (dites halosolubles) qui contribue à la liaison entre le gras et le maigre.
  • De l’acidification: cette dernière résultant de la lactofermentation (principe de base de la transformation de la viande en saucisson) permet la coagulation des protéines suscitées et participe donc à la cohésion. C’est d’ailleurs ce que les fabricants appellent la prise en main lorsqu’au bout de quelques jours, ils tâtent leurs saucissons pour s’assurer que la liaison s’est bien réalisée. On comprend que l’ajout de sucre, pour son rôle de carburant des bactéries lactiques est indispensable. De la même façon, on comprend qu’un étuvage, par son action sur l’activité des bactéries lactiques va favoriser la cohésion.
  • De l’absence de farcissage: Si les gras chauffent trop lors du hachage ou du poussage, ils peuvent « fondre » et ainsi créer une petite pellicule huileuse qui va entre autre compromettre la liaison et c’est vraisemblablement ce qu’il s’est passé dans mon cas.

Moralité: un petit détail peut tout gâcher et je serai plus vigilant sur cette étape primordial qu’est le hachage du gras en:

  • Vérifiant systématiquement le bon montage du hachoir (en gros en le faisant moi-même)
  • Congelant systématiquement le gras avant hachage
  • Le coupant au couteau si besoin
  • Ne descendant pas en-dessous de la grille 8 (?)

K) Par contre, au goût, je pense qu’on y est. Le fait de les fumer s’accomode vraiment parfaitement avec les épices en présence ce qui n’est pas toujours le cas. Des trois sortes: non fumé, fumé une fois et fumé deux fois, le second gardera ma préférence mais je conviens que c’est une histoire de goût personnel. Comme pour le saumon, j’aime quand c’est fumé de manière légère car sinon les autres arômes ont tendance à être trop masqués.

L) Même si l’expérience sensorielle et gustative n’a aucun rapport avec ce que l’on peut trouver dans les magasins, je ne pense pas recommencer de sitôt. Pour moi, un saucisson doit être le plus nature possible, où finalement seul le poivre est l’épice indispensable. Le goût du cochon doit être sublimé et non masqué, ce qu’à tendance à faire le chorizo par son ingrédient de base: le piment en forte quantité. Je pense qu’un saucisson au piment d’espelette, plus subtil, est plus judicieux si l’on veut un réel équilibre entre la saveur épicée et celle de la viande.

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Amélie
4 années il y a

Bel article bien décrit !

Saez Robert
Saez Robert
3 années il y a

Merci pour tous les bons conseils..j’ai mis 17 gr de sel et 5 gr de sel nitrite…48 heures sechage naturel dehors 28° et 50 a 60% humidité je suis aux Philippines..
Après 3 semaines en frigo ventilé a 14 / 16 °.. mes saucissons sont devenus blanc et parsemes de boursouflure, comme de la fleur mais incolore et un peux pegeux… je suis inquier je pense que je n’ai pas mis assez de sel… les premiers réalisés ont été avec 30 gr de sel en seulement 3 semaines bien tendres comme je les aiment..

Leblogsauss
Leblogsauss
3 années il y a
Répondre à  Saez Robert

@Robert Bonjour oui, 22 grammes de sel n’est pas assez et en plus 48h à 28°C. Vous aurez de la chance si ça fonctionne…

Gilou
Gilou
3 années il y a

Merci pour ces conseils, on ne trouve pas beaucoup de recette de chorizo sur le net.
J’embosse aujourd’hui et je vous tiendrai au courant.
Merci surtout d’avoir fait ce super blog, j’ai enfin compris ce qui arrivait à mes saucissons à chaque tentative, le farcissage venait clairement de la température de la viande lors du hachage.

Gilou
Gilou
3 années il y a

J’oubliais, j’adore votre humour !

Caro
Caro
3 années il y a

Bonjour
Je viens de gouter mon chorizo la recette est parfaite

Isa
Isa
3 années il y a

Bonjour,

Je ne vais pas tarder à me lancer dans les saucissons et chorizo. Merci pour vos articles qui sont une mine d’informations.
Auriez vous des recommandations supplémentaires sur la fabrication de bérets basques ? ET … auriez vous la recette de la sobressada majorquine ?

Leblogsauss
Leblogsauss
3 années il y a
Répondre à  Isa

@Isa Bonjour, pour les bérets basques, il n’y a rien de sorcier, suffit de mettre en forme et de poser sur une grille, c’est tout. J’ai pensé cette année à prendre des photos donc je ferai un article dessus. Pour la sobressada, un jour peut-être…

ladhidh
2 années il y a

Bel article merci, Nous on recommande le pimenton de la vera fumé pluto due le piment d’espelette, cela donne un parfum incomparable au chorizo. Avez vous des recettes de chorizo de boeuf ?

Violette
Violette
2 années il y a

J’aime tellement votre article -sur lequel je suis tombée par hasard- et votre façon d’écrire, que je n’ai pas pu résister à vous envoyer un grand merci pour le franc éclat de rire qui m’a submergée en lisant le souvenir de vos soirées dans lesquelles on se reconnaît bien tous ! Avec le chorizo, l’assiette en plastique, le mauvais alcool et l’effroi à la vue d’un étal ! Du coup j’ai visité via le lien, votre passion pour la littérature et le saucisson, c’est une association singulière et d’autant plus sympa ! Merci pour cette joyeuseté qui égaye cette journée pluvieuse!

FABIEN
FABIEN
2 années il y a

Bonjour, et merci pour vos conseils ,pour le hachoir il y a longtemps que je suis revenu au manuel, et là j’ai un quart avant de sanglier que je vais transformer en merguez sans gras et chorizo avec un minimum, le tout avec des épices acheter prête à l’emploi. Il n’y a pas de raisons que ça le face pas ,ont verra bien

Yolo
Yolo
2 années il y a

Bonjour, tout d’abord bravo pour ce blog qui donne envie de se lancer !
J’ai suivi à la lettre la recette du chorizo, et après 3 semaines le résultat est sympathique visuellement et en texture, mais hélas je suis très déçu: il est beaucoup trop salé, immangeable tel quel ! A la rigueur je les recycle pour cuisiner avec, sans saler par ailleurs.
Je ne comprends pas. Êtes-vous certain des 30g/Kg ? Dans le doute j’avais même mis un peu moins (80g pour 3Kg). Par comparaison (mais ce n’est pas la même chose), je mets 12g/Kg pour mes patés.

Poskov
Poskov
2 années il y a

Bonjour,
Merci pour vos conseils précieux.
Voilà 3 semaines que j’ai mis mes 2 chorizos à sécher après fumage. Humidité à environ 70% et température à 10/11°C. J’ai environ 900g de viande et 25g de sel.
J’ai bien quelques points blancs qui apparaissent mais vraiment très peu, rien à voir avec vos photos….est-ce normal ou inquiétant ?
Merci à vous !

Yolo
Yolo
2 années il y a

@Leblogsaussicon Merci pour vos explications. Je ne vois hélas qu’une seule possibilité: je me serais trompé à la pesée. A noter toutefois que le séchage a été très (trop ?) rapide dans un grenier bien ventilé. Ils ont été très vites durs, sans qu’aucune fleur n’apparaisse. Cela pourrait-il influer sur la « concentration » en sel ?

Jean-Luc
Jean-Luc
2 années il y a

J’aime le vrai chorizo. J’en ai fait en usant de recettes espagnoles. Les ingrédients sont simples: Epaule de porc, gras de bardière entre 10 et 15% par kilo de viande, sel 30 g/kilo de viande et gras, et un ingrédient propre au chorizo qui s’appelle pimenton de la vera, doux ou fort. C’est une sorte de piment espagnol qui donne au chorizo sa saveur caractéristique. De l’ail fraiche pas en poudre. Un verre de vin blanc sec. Du boyau de porc. Le résultat généralement satisfaisant. Je n’ai pas la prétention de faire mieux que les espagnols. Les paramètres d’humidité et de températures pour le sèchage sont universels et donc identiques au saucisson sec. C’est la recette de base. On peut rajouter d’autres épices. Chaque famille a sa propre recette en espagne.

motte martine
motte martine
2 années il y a

j en ai fais je ai fumer es que se obligatoire

Malik
Malik
1 année il y a

Bonjour, merci pour tes conseils mais j ai une petite question tu nas pas indiquer pa perte de poids cible dans ta recette.
Quelle est la perte de poids a vise 15 a 25%?
Merci a toi

Gus
Gus
1 année il y a

Bonjour, tout d’abord je me régale à lire votre blog, a quand l’édition papier ?! Et si je peux apporter ma pierre à l’édifice, jean Luc a raison, le pimenton de le vera ça fait la diff, malheureusement on en trouve pas partout, seulement sur internet. Je suis boucher charcutier et je vous assure que vous devriez essayer le pimenton, parole de bressan
Et d’autre part le rinçage des boyaux doit être fait avec grand soin surtt les chaudin, je rince les miens 5 fois à l’eau froide et clair avant de les baigner une dernière fois à la gnôle jusqu’à embossage. J’ai pas du tous la prétention de faire mieux que tt le monde, c’est juste quelque conseil amicaux et encore une fois j’adore votre blog, meilleurs vœux et plein de belle cochonnailles pour 2023

Eric
Eric
5 mois il y a

J ai essayé avec 100% boeuf car sous les tropiques avec 20% de gras de boeuf des rognons et cela marche